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lundi 17 octobre 2011

Tchoutchou, gringos et marzipan.

De nouveau, un étranger manifeste m'a abordé dans la gare provinciale, à mi-chemin entre le TierMonde et l'AngleTier, que je fréquente assidûment pour mes études. La dernière fois, le type avait l'allure du semi-clochard hippie typique de nos cités françaises, et la toute aussi typique odeur d'étable après une crise généralisée de dysentrie dans sa population chevaline. Il avait l'immense avantage de maîtriser l'anglais courant, ce qui fît que ce ne fut pas une douleur dans le cul de lui expliquer en baffouillant que sans billets ni passeport, il risquait d'être foutu dehors à la prochaine gare. Nous nous sommes quittés à Lille, et dans un geste élégant je lui ai filé un paquet de pâte d'amende liddle, pour le préparer physiquement au pinage qu'il allait subir en prenant le tgv de Paris sans billet.

Mon nouveau copain était un genre de gitan. Perruque noire et lisse, gueule délicatement crevassée et rondouillarde, nez crochu, peau marron et yeux comme le puit dans The Ring. Il parlait 10 mots d'anglais. Avec un accent si exécrable que j'ai cru d'abord qu'il s'adressait à moi dans sa langue natale inférieure; Roumain, Esquimo, Aztèque... Ou que sais-je.
Il avait son billet, que dans un réflexe idiot, antipatriotique et xénophile, je l'ai aidé à composter. J'avais par contre de gros doutes sur l'existence d'un passeport, qu'il soit français ou vénusien, au nom de ce type. Il m'a offert de m'asseoir à côté de lui, honneur insigne que je n'ai pu refuser. Les barrières de la langue et de la race s'interposèrent belliqueusement entre nos molles velléités de dialogue, il regardait par la fenêtre tandis que j'écoutais avec une délectation coupable un couple de parvenus connifier sur des broutilles. Étonnamment, son odeur était indescriptible, dans le genre discrète, et parfaitement neutre. J'étais apparemment assis à côté d'un paquet géant de lessive importé de Tw8530386, une jolie planète près d'alpha du centaure, qui transitait sur terre sous packaging humain avant de prendre une navette pour l'étoile noire, où Dark Vater attendait, un paquet de caleçons sales dans la prothèse.

Super Omo extraterrestre pige que dalle quand j'essaye de lui faire entraver que nous sommes en France. Il ne sait pas où il est. Son billet dit qu'il doit prendre le tgv jusqu'à Paris mais il ne cesse de répéter "Autel, autel !" en désignant un hôtel en face de la gare. Malheureusement, je comprends que le prince extraterrestre ne veut pas m'inséminer, mais simplement se pieuter en envoyant se faire foutre son tgv pour Paris. J'essaye de lui expliquer qu'il est un irresponsable; et que sa famille l'attend, quelque part, dans une caravane. Je lui montre le billet, il me montre l'hôtel. Je glapis des trucs au pif, en franglais, en vénuroumain: "Paris, iou meuste guo tou Lille iurop tou taïque ze tgv, bratislava connard". C'était perdu d'avance, même dans sa langue natale ce type devait avoir un accent de visiteur d'outre espèce, il pourrait aussi bien m'offrir une explication concise et rationnelle en trois parties que ma seule réponse face à son sabir serait encore de l'ordre du Bratislava connard. Poignée de main, sans rancune. Mais bordel, s'il essaye de prendre le tgv demain, il va se faire tèje et me maudire auprès de Tlahuizcalpantecuhtli.

Et la dernière chose dont j'ai besoin c'est qu'une divinité métèque vienne me casser la gueule parce que j'ai maltraité un ressortissant.

mercredi 12 octobre 2011

Philosofuit.

Je suis un vieux métronome poussif. J'exhale péniblement dans un tempo arythmique les fumerolles cryptiques de ma sagesse ventrue. Le battement étouffé de ma bascule gripée clapote dans la flaque saumâtre de mon érudition. Ma pontifiance épanouie décortique avec une patience de vieux crabe l'infinité des interrogations inutiles que le voile de la sénilité a fait tomber devant ma cataracte précoce. Ma fulgurante vivacité de lézard paraplégique subjugue mes apprentis tandis que je catalogue l'inventaire illimité de mes connaissances putréfiées. Sempiternellement, je glose et dégoise, je logorrhe et hic. De la morphine dans mes veines coule naturellement, mon cœur à une allure mortifère gigote ses ventricules. Si en me regardant on plisse suffisamment les yeux, on distingue à l'entour de ma solide charpente germanique le halo caractéristique des saints et des orateurs rasoirs. Rendons justice, n'est ce pas, dans la plus pure tradition, sous ce gros chêne centenaire: je suis chiant. La réussite la plus formidable de ma vie fut d'amasser une quantité industrielle de savoir philosophique de grande qualité, de l'avoir réduit à de la bouillie de digression, noyé dans la ciure indigeste de mes égarements, bredouillements, chevrotements vocaux, et enfin servi dans l'emballage criard, prometteur et mensonger de ma dégaine d'universitaire chevronné.